NIBBANA

Ce processus de naissance et de mort continue ad infinitum, jusqu'à ce que le flux soit recréé en nibbana-dhatu, le but ultime des bouddhistes.
Le mot pâli nibbana est formé de la particule négative ni et de vana qui signifie "tissage" ou "désir". Ce désir est comme une corde qui relie une existence à une autre."Il est appelé nibbana parce qu'il est l'évasion du désir égoïste, appelé vana".
Littéralement, nibbana signifie absence d'attachement. Quand toutes les formes du désir sont détruites, l'énergie Kammique cesse d'agir, la ronde des existences s'arrête et le nibbana est réalisé. La conception bouddhique de la Délivrance est l'évasion de ce cycle sans fin de la vie et de mort, pas simplement l'évasion du péché et de l'enfer.
En un sens, le nibbana est aussi expliqué comme l'extinction du feu du Désir lobha, de la Haine dosa et de l'illusion moha.
"Le monde entier est en flammes", a dit le Bouddha. "Par quel feu est-il embrasé ? Par le feu du désir, de la haine et de l'illusion, par le feu de la naissance, de la vieillesse, de la mort, de la souffrance, des lamentation, de la douleur, du chagrin et du désespoir il est embrasé".
Cependant, le nibbana n'est pas un simple fait d'extinction ou de cessation. L'extinction de ces flammes ne constitue qu'un moyen d'atteindre le but final.

Le nibbana bouddhique n'est pas non plus le néant ou un état qui est annihilé, du fait que nos cinq sens ne nous permettent pas de le percevoir. Le croire ainsi serait aussi illogique que d'affirmer que la lumière n'existe pas, du fait que l'aveugle ne peut pas la percevoir. Dans l'histoire bien connue du poisson et de la tortue, cette dernière qui pouvait vivre indifféremment dans l'eau et sur la terre, ne parvenait pas à faire comprendre à son compagnon la vraie nature de la terre ferme; mais celui-ci qui ne connaissait pas d'autre univers que la mer, ne pouvait pas imaginer qu'il existait un autre élément que l'eau. Finalement, le poisson arrêta la conversation en déclarant triomphalement que la terre n'existait pas.

Il n'est pas possible de donner une définition exacte du nibbana en termes conventionnels. Il ne peut pas être décrit, il peut seulement être réalisé. "Il est un état qui est non-né, non-produit, non-créé, non-formé". Contrairement au sa?sara, il est éternel dhuva, désirable subha et heureux sukha. Dans le nibbana, rien n'est "éternisé" et rien n'est "anéanti". Seule la souffrance est anéantie.

Le nibbana est la béatitude suprême, parce qu'il n'est pas un bonheur expérimenté par les sens. C'est un état heureux de vrai soulagement par la libération des maux de l'existence.

"Il y a deux sortes de bonheur, ô Bhikkhus, le bonheur que donne le plaisir des sens, et le bonheur du renoncement. Mais le plus grand des deux est le bonheur du renoncement".

Le nibbana n'est situé nulle part; il n'est pas non plus une sorte de paradis où réside un "ego" transcendant. C'est un état que nous devons réaliser en nous, une connaissance intuitive à laquelle nous pouvons tous parvenir, dans cette vie même. Cette conception bouddhique du nibbana est à l'opposé des autres conceptions qui affirment qu'un paradis éternel ne peut être atteint qu'après la mort; ou qu'une union avec un Dieu ou avec une Essence Divine ne peut être accomplie que dans l'Au-delà.

Quand il est réalisé dans cette vie même, le nibbana est appelé sa-upadisesa nibbana-dhatu. Dans le cas d'un arahat qui atteint le parinibbana, après la désintégration de son corps, et sans que rien ne subsiste de son existence temporelle, le nibbana est appelé anupadisesa nibbana- dhatu.
"S'ils prêchent que le nibbana est la cessation, Dites qu'ils mentent. S'ils prêchent que le nibbana est la vie, Dites qu'ils se trompent".(Sir Ewin Arnold)
Du point de vue métaphysique, le nibbana est la délivrance de la douleur. Du point de vue psychologique, le nibbana est la destruction de l'égoïsme. Du point de vue éthique, le nibbana est l'extinction du désir, de la haine et de l'ignorance.

"Le feu des passions n'existe pas pour celui qui a terminé son voyage, qui est délivré de toute douleur, qui est complètement libéré, qui a détruit tout attachement". (dhammapada)

L'arahat existe-t-il après la mort? Le Bouddha répondit : "L'Arahat qui s'est libéré des cinq agrégats, est profond, incommensurable comme le vaste océan. Dire qu'il renaît, cela n'est pas exact. Dire qu'il ne renaît pas, cela n'est pas exact. Dire qu'il existe après la mort, cela n'est pas exact. Dire qu'il n'existe pas après la mort, cela n'est pas exact".

On ne peut pas dire qu'un arahat renaît, car toutes les passions qui conditionnent la re-naissance ont été détruites. Ni qu'un arahat est anéanti, car il n'y a rien à anéantir.

Le savant Robert Oppenheimer écrit: "Quand nous demandons, par exemple, si la position de l'électron reste la même, nous devons dire "non" quand nous demandons si la position de l'électron change avec le temps, nous devons dire "non"; quand nous demandons si l'électron est au repos, nous devons dire "non"; quand nous demandons s'il est en mouvement, nous devons dire "non".

"Le Bouddha donnait des réponses de ce genre, quand on l'interrogeait sur les conditions du "moi" de l'homme après sa mort(*). Mais ce sont des réponses non conformes à la tradition de l'esprit scientifique du 17ème et du 18ème siècle".

En résumé, qu'est-ce donc que le nibbana? Cette question ne pourra jamais recevoir une réponse précise et satisfaisante. Le nibbana ne peut pas être perçu par les cinq sens, il ne peut pas être décrit par le langage humain. Il est situé au-delà de la logique du raisonnement. Malgré toutes nos discussions spéculatives, nous ne serons jamais en mesure de discerner sa vraie nature.

Le meilleur moyen de comprendre le nibbana est de le réaliser, tendant nos efforts, dès maintenant, vers ce but qui reste encore caché à nos yeux; d'avancer avec courage et constance sur le Chemin qui y mène, ce Chemin que le Bouddha a parcouru et qu'il a montré à ses disciples. Puis, un jour, au bout du Chemin, apparaît le but suprême, clair, sûr, défini, aussi lumineux que la lune émergeant des nuages. La Vérité Eternelle, la Réalité Ultime, L'inconditionné, le nibbana est atteint.