LE VISAKHA BOUXA  

 

Le Visakha Bouça, anniversaire de la naissance de Bouddha, se confond avec le Boun bang fay (fête des fusées) que l'on célèbre à la pleine lune du sixième mois (mai). C'est sans doute la fête la plus originale du calendrier lao, l'une des plus populaires aussi. Son origine est complexe, et l'on ne sait s'il faut y voir l'exaltation du sentiment religieux ou la survivance de coutumes païennes immémoriales. Le Visakha Bouça est en effet la commémoration simultanée de la naissance, de l'illumination et de la mort de Gautama; mais le Boun bang fay, au seuil de la saison des pluies, n'est pas autre chose qu'une invocation au Phagna Thèn (dieu du ciel) en vue d'obtenir la fécondité des rizières et l'abondance des moissons. Quoi qu'il en soit, la fête offre le spectacle d'un peuple en liesse, toutes contraintes sociales momentanément abolies. Les offrandes aux bonzes et l'illumination des pagodes n'y tiennent qu'une place secondaire. La grande affaire est la préparation et le lancement des fusées en bambou. Celles-ci, très effilées et décorées de motifs bariolés, sont chargées de poudre à leur sommet renflé. Cette charge varie de 6 à 24 kilogrammes.

     Dès le matin de joyeux cortège de "phoubao" masqués, méconnaissables sous leurs déguisements, se répandent par la ville, promenant triomphalement des marionnettes burlesques (aujourd'hui interdites) et des pantins articulés en postures suggestives. Chaque maison est envahie par une mascarade hurlante que le propriétaire se met en devoir de désaltérer abondamment. Et la bouteille d'alcool circule de bouche en bouche, sous les quolibets obscènes ou railleurs de la foule, maintenue en haleine par les mimiques délirantes de danseurs grotesques au son des gongs et des tambours sourdement répété.

Vient enfin le moment de lancer les fusées. Tous les cortèges convergent vers le Mékong au bord duquel se dresse un chevalet de bambous: l'allégresse atteint son comble. Sous l'oeil expérimenté des bonzes, artificiers en l'occurrence, les jeunes gens déchaînés s'affairent autour des fusées qui s'élèvent dans un nuage de poudre, déchaînant les lazzi enthousiastes de la foule. Parfois la fusée, trop humide, se refuse à partir, au grand désespoir de son propriétaire, accablé de sarcasmes par ses concurrents. La nuit vient enfin, mais sans interrompre les réjouissances qui ne cesseront qu'au petit jour.